La douceur a dominé la majeure partie de ce mois d’avril, avec même un épisode de chaleur remarquable entre le 18 et le 22, se rapprochant de la vague de chaleur de la mi-avril 1949… Frédéric Decker, de MeteoNews, dresse le bilan climatique du mois.
Le thermomètre est resté au-dessus des moyennes saisonnières quasiment tout le mois, avant de plonger les deux derniers jours. Cette douceur a même tourné en chaleur remarquable durant cinq jours consécutifs, du 18 au 22. Cette « vague de chaleur » est toutefois restée un petit cran sous celle d’avril 1949, un peu plus précoce (dès le 13), plus longue (jusqu’au 19 ou 21 selon les régions) et un chouia plus intense. Les quelques records battus ce mois d’avril 2018 l’ont été pour la très grande majorité dans des stations créées en 1951 ou plus tard, n’ayant donc pas connu cette mi-avril 1949 « torride ».
Au final, la température moyenne mensuelle française, calculée sur 170 stations, atteint 13,5 degrés, loin devant avril 1949 (frais en son début), mais derrière avril 2007 (14,3 degrés) et 2011 (13,8 degrés), depuis 1946. La moyenne très élevée a été abaissée par les tous derniers jours frais voire froids.
Fig. 1
Quelques records sont tombés dans des stations récentes, par exemple le 20 avril :
- Creil, avec 28,0 degrés égale son record de la veille (précédent record : 27,9 degrés le 29 avril 1955). Ouverture de la station en 1951
- Châteaudun, avec 27,8 degrés égale son record du 30 avril 2005, station ouverte en 1954
- Roissy, avec 28,6 degrés, bat les 27,8 degrés du 25 avril 2007, mais la station n’a été ouverte qu’en 1975
- Toussus le Noble, avec 28,3 degrés, bat les 27,1 degrés du 25 avril 2007, l’ouverture de la station date de 1965
- Evreux, avec 27,6 degrés, bat les 26,7 degrés de la veille (ancien record : 26,1 le 29 avril 2010), la station date de 1954
- Rouen, avec 27,4 degrés, bat les 27,2 degrés de la veille, ancien record : 26,4 degrés le 15 avril 2015), station ouverte en 1951
Les excédents atteignaient alors 10 à 14 degrés par rapport aux moyennes de saison !
Le 30, c’est la douche écossaise : ce sont des records de froid décadaires voire pour une deuxième quinzaine d’avril qui sont tombés en Normandie et sur l’ouest de l’Ile-de-France à Rouen, Deauville, Toussus-le-Noble, Trappes, Evreux… où le thermomètre n’a pas dépassé 4,8 à 5,5 degrés, soit plus de 10 degrés de déficit !
Les extrêmes du mois sont -2,5 degrés le 2 à Colmar pour le minimum national (en plaine) et 30,0 degrés le 22 à Strasbourg (record mensuel égalant celui d’avril 2012) pour le maximum.
Pluviométrie « de saison »
Toujours pas de mois sec cette année. Il faut remonter à avril 2013 pour retrouver autant d’eau pour ce mois, pourtant « de saison » cette année. Les conditions dépressionnaires ont globalement dominé à proximité de notre pays, permettant aux passages pluvieux de rester relativement fréquents et conséquents.
Résultat : l’hexagone a reçu en moyenne quelques 65 mm de précipitations pour une normale 1981-2010 de 63 mm, soit un chiffre conforme à un mois d’avril classique (+3%). Ces précipitations se sont surtout concentrées sur la première décade et la fin de mois, périodes plus perturbées.
Mulhouse détient la valeur mensuelle la plus basse de France pour ce mois d’avril 2018 avec 17 mm, et le Mont Aigoual la plus élevée avec 309 mm. En plaine, le maximum revient à Tarbes avec 143 mm, suivie de Cannes et ses 135 mm.
Ensoleillement moyen
Après un premier semestre bien sombre, avril ne renverse toujours pas la situation, malgré du « mieux ». L’ensoleillement est resté très proche des chiffres habituels, avec une moyenne nationale de 181 heures au lieu de 182 heures (-0,5%). Le bon ensoleillement de la deuxième décade a été compensé par une fin de mois déficitaire et bien sombre.
Les extrêmes du mois sont 142 heures pour le minimum national à Biarritz et 268 heures à Calvi, en Corse, pour le maximum.
Phénomènes particuliers
Outre la « vague de chaleur », quelques phénomènes se sont démarqués au cours de ce mois d’avril 2018 :
Les 11 et 12, un épisode méditerranéen donne d’importantes précipitations dans le sud-est du pays, avec sur 48 heures : 60 mm à Montpellier, 71 mm à Nice, 82 mm à Istres, 95 mm à Cannes, 115 mm à Draguignan (Var), 136 mm à La Mure-Argens (Alpes de Haute-Provence) et 148 mm à Tanneron (Var).
Dimanche 29, une situation « explosive » permet à des violents orages de se développer dans le nord-est, en particulier en Champagne-Ardenne et en Lorraine. Les chutes de grêle et vents violents provoquent des dégâts. Ces orages occasionnent surtout la formation de plusieurs tornades, dont une frappant trois villages de la Marne où les dégâts furent très importants. Les tornades restent relativement rares en France (une cinquantaine par an) mais se produisent parfois. Les plus violentes (F5, intensité maximale) se sont produites en juin 1967 dans le Nord-Pas-de-Calais et en août 1845 en Seine-Maritime. Le réchauffement des 40 dernières années n’a pas d’incidence sur leur fréquence ni sur leur intensité, celles-ci étant même plutôt orientées vers une légère baisse.
Le lendemain, 30 avril, un retour d’occlusion accompagné d’air froid a occasionné des pluies diluviennes en Normandie et sur l’ouest de la Picardie, avec des cumuls de pluie de 60 mm parfois en 24 heures ou moins. Un phénomène local d’isothermie a fait chuter les températures et transformé la pluie en neige sur la Seine-Maritime, l’Eure et l’ouest de l’Oise. Des flocons ont voltigé jusqu’au Val d’Oise. Le secteur de Canappeville, près de Louviers, fut le plus touché avec 5 à 10 cm de neige au sol, occasionnant des dégâts aux arbres en fleurs.
Bien que surprenants, ces phénomènes n’ont aucun lien avec un prétendu « dérèglement climatique » et s’inscrivent parfaitement dans la variabilité naturelle de notre climat, très irrégulier depuis toujours contrairement aux idées reçues.
Un mois d’avril très doux mais irrégulier, passant du chaud au froid en moins de dix jours, situation proche de celle d’avril 1945 encore plus contrasté. Il a été normalement ensoleillé et arrosé. Les tornades entre Marne, Ardennes et Lorraine marqueront certainement les esprits pour un moment.