Après avoir dévasté le nord des Antilles et en particulier les îles françaises de Saint Martin et Saint Barthélémy, l’ouragan IRMA poursuit sa route. Christophe Mertz, météorologue à MeteoNews et spécialiste de ces phénomènes, fait le point sur cet ouragan qui restera comme l’un des plus puissants jamais observés depuis au moins les 50 dernières années.
Intensité et trajectoire
L’ouragan IRMA circule actuellement toujours vers l’ouest/nord-ouest à une vitesse d’environ 26 km/h et se situe au nord immédiat de l’île d’Hispaniola. Ces 24 prochaines heures, ce sont les îles Turks et Caicos puis Crooked Island et Long Island, aux Bahamas, qui seront sur la trajectoire de l’ouragan. Les derniers pointages effectués sur les missions de la NOAA indiquent une pression stable en son centre de 916 hPa, et des rafales de vent voisines de 290 à 300 km/h, le maintenant donc très haut dans la catégorie 5 de l’échelle Saffir-Simpson.
Fig. 1
L’ouragan continuera sa route ensuite vers le sud des Bahamas, flirtant avec le littoral nord d’Haïti puis de Cuba entre vendredi et samedi, avant de faire route vers la Floride dimanche. Le passage exact de l’oeil sur la Floride reste encore incertain, mais la plupart des scénarios indiquent une forte probabilité pour la région métropolitaine de Miami. L’ouragan pourrait même poursuivre sa route le long de la côte jusqu’à la Caroline du Sud.
Durant ces prochains jours, IRMA devrait conserver une intensité assez stable, se maintenant probablement dans la catégorie 5. Un très léger affaiblissement semble envisageable juste avant son arrivée en Floride mais ce scénario reste incertain, d’autant que la température de l’océan entre les Keys et les Bahamas affiche des valeurs de 30 à 32 degrés.
Un cyclone remarquable
De mémoire d’homme, IRMA est l’ouragan le plus destructeur à avoir touché les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Il est probablement le plus violent à avoir concerné l’archipel des Antilles depuis le grand ouragan de 1780. IRMA se maintient en catégorie 5 depuis maintenant plus de 48h, une durée exceptionnelle à ce niveau d’intensité. Seuls les ouragans Allen en 1980 et Ivan en 2004 ont fait mieux pour le moment. Cette durée évoluera encore et les deux précédents records pourront probablement être battus. IRMA a également battu le super Typhon Haiyan avec une durée de vent supérieurs à 297 km/h de 33 heures consécutives, contre 24 pour le Typhon. Avec des rafales mesurées au sol entre 240 et 300 km/h et mesurées par dropsonde jusqu’à 360 km/h, IRMA est l’un des cyclones tropicaux les plus puissants jamais observés. Notons que la température au sommet des nuages qui constituent le mur de l’oeil d’IRMA atteint -80 voire -85°C, avec des sommets qui culminent à 16 000 m ! Pour comparaison, les sommets de nos orages estivaux, mêmes des plus violents, culminent entre 9 et 12 000 m !
Pic d’activité dans la saison cyclonique
En marge d’IRMA, deux autres systèmes ont évolué en ouragan ces dernières heures. Katia, de catégorie 1, circulant dans le golfe du Mexique, menace les côtes de ce dernier avec probablement des pluies diluviennes et très abondantes, car le système se déplace très lentement. Plus préoccupant encore, José, de catégorie 1 mais pouvant rapidement passer en catégorie 2 voire 3, est un nouveau cyclone cap-verdien (terme qui désigne son lieu de naissance au large de l’Afrique). Il se dirige aussi vers les Antilles mais pourrait les épargner par le nord, sans doute pas totalement toutefois, et de nouveaux vents forts ou violents, combinés à une forte houle, semblent à nouveau probables pour les îles touchées par IRMA d’ici ce week-end. Notons que la saison des ouragans dans l'Atlantique nord débute généralement au mois de juin et se termine au mois de novembre, Août et Septembre marquant le pic d'activité de la saison. En moyenne, le bassin nord atlantique connait 10 systèmes évoluant à minima en tempête tropicales, dont 6 évolueront jusqu'au stade d'ouragan et 2 seulement en ouragan majeur de catégorie 3 ou plus.
Perspectives climatologiques, un lien avec le réchauffement?
Il est scientifiquement impossible de prouver un lien direct entre le réchauffement climatique et l’occurence d’IRMA, ni même de son intensité. Certes, on constate une augmentation de l’intensité moyenne de certains cyclones tropicaux depuis quelques décennies, en particulier des Typhons dans le bassin asiatique. Cette intensification pourrait être liée à un réchauffement progressif des eaux de surface des océans. Cependant, le nombre total de cyclones dans le monde reste stable, autour de 90 systèmes par an. De plus, les archives et données climatologiques sont malheureusement trop faibles pour établir de réelles tendances statistiques sur l’occurence de tels ouragans. Nous ne pouvons en effet établir d’observations fiables que depuis l’avènement des satellites, soit depuis les années 70. Avant cela, seuls les systèmes ayant touché terre ont pu être suffisamment étudiés. Avant 1900, quelques évènements extrêmes ont pu être étudiés ou mis à jour en étudiant les archives historiques (on parle alors de paléo-météorologie ou de paléo-climatologie). C’est ainsi que l’on connait le grand ouragan de 1780 dans les Antilles. Des études de carottes au sein de certains récifs coralliens indiquent également des passages d’ouragan de puissance sans doute considérables au cours des siècles passés.
Enfin, il est important de préciser que le bassin atlantique sort de plusieurs années de faible activité cyclonique. Depuis 2005 en effet, peu d’ouragans majeurs se sont développés sur ce bassin. On peut signaler notamment Sandy en 2012, Ike en 2008 ou encore Matthew en 2016. En plus de la température de l’eau de surface, d’autres facteurs moins connus favorisent ou au contraire inhibent les développements cycloniques, tels que la concentration en particules de sables sur l’Atlantique, les cisaillements des vents etc. Le rôle de ces éléments et d’éventuels cycles, notamment des liaisons entre ouragans et des phénomènes comme El Nino ou La Nina restent à établir et à préciser…