L'absence quasi totale de conditions anticycloniques a permis à un rapide rail dépressionnaire de s'installer sur l'Europe et sur la France, engendrant un véritable défilé de dépressions et perturbations. Pluie, nuages et douceur océanique se sont largement imposés sur notre pays. Retour sur ce mois de janvier hors-norme par Frédéric Decker, de MeteoNews.
0, c'est le nombre de jour de gelée sur de nombreuses régions, notamment sur une large moitié ouest du pays et plus localement dans l'est comme à Lons-le-Saunier, dans le Jura. De nombreuses villes ont totalement échappé au gel : Abbeville, Ajaccio, Auxerre, Bastia, Béziers, Biarritz, Boulogne-sur-Mer, Brignogan, Calvi, Cannes, Cherbourg, Dinard, Dunkerque, Hyères, La Rochelle, Le Touquet, Marseille, Nice, Nîmes, Noirmoutier, Orly, Paris, Ploumanach, Poitiers, Saint-Brieuc, Thonon les Bains, Toulon, Troyes et Villacoublay. 0 jour de gel à Paris, c'était arrivé en 2014, 1988, 1930, mais aussi en 1735, 1708 et 1686 selon les observations de l'Observatoire de Paris, effectuant des relevés bien avant la station de référence depuis 1873, à savoir Montsouris. Ces trois dernières années pourtant en plein "Petit Age Glaciaire" et dans un Paris beaucoup plus rural qu'aujourd'hui.
La douceur a été omniprésente du 1er au 31. Paradoxalement, aucun record absolu n'est tombé malgré des pics de douceur assez remarquables. Seuls quelques records de douceur nocturne sont tombés sur les régions méridionales.

Fig. 1
En moyenne nationale, janvier 2018 atteint 8,2 degrés, valeur calculée sur 170 stations métropolitains et corses. Ce chiffre est un record sur la période 1946-2018, battant largement les 7,7 degrés des mois de janvier 1988 et 2007 qui détenaient le record jusqu'à présent. Cette température moyenne représente un excédent thermique de 3,1 degrés par rapport à la normale 1981-2010.
C'est à Colmar qu'il a fait le plus froid à basse altitude avec -6,5 degrés le 14. A l'inverse, il a fait jusqu'à 22,9 degrés à Cannes le 4, pic de chaleur national du mois.
Trop de pluie et des inondations
Comme en décembre, le flux d'ouest océanique a apporté son lot de précipitations, largement excédentaires avec le double voire le triple des normales sur de nombreuses régions. Des records sont tombés en grand nombre, notamment dans le nord-est. Les stations de montagne et les régions de l'est en particulier ont reçu des quantités de précipitations exceptionnelles : 222 mm à Annecy, 213 mm à Besançon, 257 mm à Chambéry, 274 mm à Erneville (Meuse), 242 mm à Langres... Le record de janvier 2018 revient à Bourg-Saint-Maurice avec 357 mm. Les pluies ont atteint plus difficilement le pourtour méditerranéen malgré plus de 200 mm à Montpellier. La Corse surtout est restée à l'écart de la pluie : seulement 19 mm à Bastia, 11 mm à Calvi, 4 mm au Cap Corse (point le moins arrosé du mois en Corse et en France), 9 mm à l'Ile Rousse...
A l'échelon national, il ne s'agit pas du mois de janvier le plus arrosé malgré une moyenne de 122 mm (normale 68 mm). Deux autres le dépassent : 1988 avec 124 mm et surtout 1955 avec 136 mm. Ce dernier avait d'ailleurs été marqué par des inondations exceptionnelles. La Seine avait alors atteint 7,12 mètres au Pont d'Austerlitz contre 6,10 mètres début juin 2016 et 5,84 mètres ce mois de janvier 2018. Pour mémoire, durant les terribles inondations de janvier 1910, la cote avant atteint 8,62 mètres !
Sur deux mois, décembre 2017 et janvier 2018 établissent un nouveau record de forte pluviométrie en France : 221 mm, battant les 219 mm de décembre 1981 - janvier 1982.
Soleil dans les chaussettes
Il a souvent fait la une par son absence, et c'est justifié : le soleil a été le grand absent de ce mois de janvier. En moyenne nationale, il n'a brillé que 53 heures dans le mois, bien loin des 87 heures habituelles, soit un déficit de 39%. Ce déficit a été très homogène tout au long du mois sur l'ensemble de nos régions. Le précédent record était de 56 heures en janvier 1955. Tous mois confondus, il s'agit du troisième mois le moins ensoleillé derrière décembre 1950 (51 heures) et décembre 2002 (44 heures).
Ce manque de soleil a durement éprouvé le moral des Français. La moindre éclaircie était accueillie avec le sourire ! C'est à Rouen que le soleil a été le plus avare : 18 heures seulement... et à Marseille le plus généreux avec 140 heures de présence.
Neige et tempêtes
Outre les inondations et l'absence de gel, deux phénomènes se sont largement démarqués : des tempêtes, surtout en début de mois avec des rafales dépassant souvent les 100 km/h, notamment sous la tempête Eleanor le 3 janvier. Cette tempête a provoqué d'importants dégâts et des rafales jusqu'à 147 km/h à Cambrai.
Mais le phénomène le plus surprenant et pouvant paraître paradoxal avec la douceur record, c'est la neige... en montagne. L'épaisseur d'or blanc atteint des valeurs exceptionnelles et même records dans les Alpes notamment, avec plus de 6 mètres par exemple dans le secteur de Tignes et localement plus de 7 mètres ! Le courant perturbé très actif et des redoux relativement modérés ont en effet pu maintenir une couche de neige quasiment "jamais vue".
Un mois de janvier "historique" en terme de douceur, de manque de soleil et de précipitations abondantes. Avec des conséquences importantes, à savoir des crues et inondations, des tempêtes et un enneigement exceptionnel sur les massifs, plus particulièrement dans les Alpes.